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Code de la Consommation : QUI PEUT ETRE CONSIDÉRÉ COMME ACQUÉREUR PROFESSIONNEL (ART.L211-4), Xavier Bacquet

Le 05 juin 2018

Qui peut être considéré comme acquéreur professionnel au sens de l’article L211-4 du Code de la Consommation ?


II convient d'apprécier la notion d'acquéreur professionnel, au sens de l'article L. 211-3 du code de la consommation (devenu l'article L. 217-3 du même code),
Aux termes de l'article L. 211-3 du code de la consommation : 


« Les  dispositions   du   présent chapitre sont applicables aux relations contractuelles entre le vendeur agissant dans  le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et l'acheteur  agissant en qualité de consommateur».
 
Les dispositions des articles L. 211-1 et suivants régissent donc les contrats de vente de meubles corporels conclus entre des vendeurs professionnels et des consommateurs profanes.


Les dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation n'ont cependant pas défini ce qu'il convenait d'entendre par consommateur.


L'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, ayant transposé la directive n° 99144ICE du 25 mai 1999, aux articles L. 211-1 et suivants du code de la consommation, n'avait pas repris la définition que la directive donnait du consommateur, selon laquelle il s'agit de « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activitéprofessionnelle ou commerciale»,
(Jean   Calais-Auloy, Une nouvellegarantie pour l’acheteur : la garantie de conformité, RTD Civ.,  2005, p. 701).


Le législateur a donc laissé le soin à la jurisprudence d'apprécier la notion de consommateur, ce qu'elle avait toujours fait, en l'absence de définition légale de consommateur.
(Jean Calais-Auloy, op. cit. ; 0. Tournafond, La nouvelle garantie de conformité des consommateurs, D. 2005, 1557).


La notion de consommateur n'était pas, en effet, définie en droit français jusqu'à la loi Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014, qui a introduit une définition calquée sur le droit Européen :


« Toute personne qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale »


(G. Helleringer, Chronique Jurisprudencejudiciairefrançaiseintéressantledroitdel'Union-au-delà du code de la consommation, l'acquis européen, RTD Eur. 2017, p. 336- 2).


Cette définition a été élargie par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation qui considèrecomme étant consommateur «toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole »
(cf.art. liminaire du code de la consommation).


En jurisprudence, deux courants ont été suivis en matière de droit de la consommation en général.
 
Le premier est celui du critère de la compétence de l'acquéreur :
 
Le consommateur est le profane, celui qui contracte dans un domaine de compétence qui n'est pas le sien (1ére Civ., 28 avril 1987, n° 85-13.674, B. I,  n° 134; 1ére Civ.,  25  mai 1992,  n° 89-15.860,  B. I, n° 162; 1ére• Civ.,  4juin 2002, n° 99-21.899).


Ce critère n'est plus retenu par la Cour de cassation.
(Jean-Pascal Ghazal, Le consommateur existe-t-il ?, Dalloz 1997, p. 260).

Le second critère celui du rapport direct du contrat avec l'activité professionnelle du contractant lui a été préféré :

 
« Attendu que pour dire la clause nulle, en même temps que la clause de l'article 3, alinéa 5, refusant ce droit de résiliation au locataire, l'arrêt retient qu'elles sont abusives, dès lors que la société Boss, fabricant de bracelets de cuir sans compétence particulière en matière d'électronique et de téléphone, doit être considérée comme un consommateur ayant contracté avec un professionnel ;


Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'objet du contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par la société Boss, de sorte que le contrat ne relevait pas de la législation sur les clauses abusives, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (1èreCiv., 5 novembre 1996, n° 94-18.667, B. I, n° 377 ; 1èreCiv., 24 janvier 1995, n° 92-18.225, B. I, n° 54).


Le consommateur, selon la Cour de Cassation, est celui qui conclut un contrat extérieur à son activité professionnelle, sans rapport direct entre les deux.


C’est celui qui agit à des fins étrangères à son activité professionnelle :


« Attendu que les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 applicable à la cause, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu’abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ;


Que la cour d’appel qui n’avait pas à vérifier les compétences professionnelles que M. X... avait lui-même déclarées, a souverainement apprécié l’existence de ce rapport direct en relevant que l’intéressé avait conclu l’opération litigieuse en qualité de loueur professionnel de bateaux selon le document établi à l’intention de l’administration fiscale auprès de laquelle il avait par la suite déclaré les déficits, enregistrés par lui, au titre des bénéfices industriels et commerciaux et que dès lors il ne pouvait prétendre au bénéfice de l’article L. 132-1 du code de la consommation »
(cf.1èreCiv., 22 mai 2002, n° 99-16.574, B. II, n° 143).


Ainsi, en matière de surendettement, il a été jugé que :


« Vu l'article L. 331-2 du code de la consommation ;


Attendu que les dettes professionnelles s'entendent des dettes nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle ;


Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande formée par M. X... aux fins d'ouverture d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement, le juge de l'exécution relève que sa dette principale résultant de sa condamnation au paiement de marchandises non représentées à son employeur, alors qu'il était salarié de la société Deproma, constitue une dette professionnelle, et que le débiteur n'établit pas, en dehors de cette dette, être dans l'impossibilité de faire face à son endettement ;


Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé »

(2èmeCiv., 8 avril 2004, n° 03-04.013, B. II, n° 190).

A l’inverse, est un acquéreur professionnel la SCI qui acquiert une villa, dès lors que l’acquisition avait un rapport direct avec son objet social.


(cf.3èmeCiv., 16 septembre 2014, n° 13-20.002 ; dans le même sens : 3èmeCiv., 24 octobre 2012, n° 11-18.774, B. III, n° 153).


La personne morale qui souscrit un prêt en vue de financer l’acquisition et l’aménagement d’un nouveau siège social, n’est pas un consommateur, compte tenu du « rapport direct entre l’activité professionnelle de cette association et le contrat de prêt litigieux »
(cf.1èreCiv., 27 septembre 2005, n° 02-13.935, B. I, n° 347).


De même, dans un arrêt du 3 juin 2015, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir considéré que la notion de consommateur devait s’entendre de la personne physique qui agit pour ses besoins personnels ou ceux de sa famille et non dans l’intérêt d’une entreprise et qu’il importe d’avoir égard à la finalité de l’opération.
(cf.1èreCiv., 3 juin 2015, n° 14-11.970).


Le consommateur reste donc, en principe, celui qui fait une acquisition en dehors de sa sphère normale d’activité, ou plus précisément qui agit dans un but autre que la réalisation de son activité professionnelle ou dans l’intérêt de son entreprise.


Des écuries qui achètent un cheval destiné aux sauts d’obstacles de haut niveau sont, quant à elles, un acquéreur professionnel (cf.1èreCiv., 15 octobre 2014) en ce que l’acquisition est en rapport direct avec leur activité et faite pour les besoins de cette activité.


La jurisprudence bien établie est constante en la matière :


- « Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de ce texte (article L. 131-6 du code de la consommation), en ce qu'elles visent les consommateurs, ne concernent que les personnes physiques et, en ce qu'elles visent les non-professionnels, sont inapplicables aux contrats qui ont un rapport direct avec leur activité professionnelle, le juge de proximité a violé le texte susvisé »
( cf. Com., 16 février 2016, n° 14-25.146) ;


- « que, pour déclarer abusive la clause des contrats subordonnant la cession de l'animal à l'accord écrit du donateur, le jugement retient que la SPA est un professionnel, dès lors que ces contrats sont en lien avec son objet social ayant pour but d'améliorer, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, le sort de tous les animaux, de lutter contre leur trafic, de veiller à ce que soient respectées les dispositions législatives et réglementaires, et de leur accorder assistance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsqu'elle procède au don de chiens, la SPA agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, de sorte qu'elle n'a pas la qualité de professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la juridiction de proximité a violé ce texte »


(cf1èreCiv., 1erjuin 2016, n° 15-13.236) ;


- « Attendu que, pour déclarer prescrite l'action en recouvrement de la banque, l'arrêt retient que le prêt litigieux devait être financé grâce à une opération spéculative, l'acceptation de l'aléa au cœur du marché boursier conduisant à exclure les dispositions favorables d'une prescription abrégée dérogatoire au droit commun, réservée à des contrats énumérés par le législateur souscrits pour des besoins ordinaires ;
Alors qu'il résultait de ses énonciations que le prêt litigieux avait été souscrit à des fins étrangères à l'activité professionnelle de M. et Mme X..., la cour d'appel a violé le texte susvisé »


(cf1èreCiv., 22 septembre 2016, n° 15-18.858) ;


- « Attendu que, pour ordonner la mainlevée de cette mesure, après avoir considéré que le prêt litigieux n'était pas destiné à financer une activité professionnelle, l'arrêt retient que la prescription biennale de la créance est acquise ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. et Mme X...avaient souscrit le prêt litigieux à fin d'acquérir un lot de copropriété destiné à la location au sein d'une résidence hôtelière et que l'époux était inscrit au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé professionnel, ce dont il résultait que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés »


(cf.1èreCiv., 22 juin 2017, n° 16-13.203 ; également : 1èreCiv., 29 mars 2017, n° 16-10.703 ; 1èreCiv., 1ermars 2017, n° 16-10.369).


Cette jurisprudence est conforme à la position de la Cour de justice de l’Union européenne (cf.CJCE 3 septembre 2015, n° C -110/14, D. 2015, p. 1767).


Ce critère du rapport direct est donc un critère objectif et qui ne prend pas en compte la compétence professionnelle de l’acquéreur.

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bacquet.avocat@gmail.com

B2Z Avocats & Médiation